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Type de textesource
TitreCours d’architecture enseigné dans l’Académie royale d’Architecture
AuteursBlondel, François
Date de rédaction
Date de publication originale1675:1683
Titre traduit
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Date de reprint

(livre IV, chapitre V), p. 709-710

Histoire de Phidias et d’Alcamène. Je voudrois pouvoir raconter aussi agreablement l’avanture de Phidias et d’Alcamene, qu’elle est décrite dans les Chyliades de Tzetzes poëte grec. Ces deux sculpteurs vivoient, dit-il, en même temps avec reputation à Athenes : [[2:Alcamene avec un merite mediocre, faisoit beaucoup de bruit, homme intrigant et qui avoit des amis qui le vantoient]] Alcamene estoit de ceux qui avec un merite mediocre, font beaucoup de bruit, employant la meilleure partie de son temps à faire la cour au peuple, et à chercher des amis intrigans pour se faire prôner ; Qui est, dit-il, un bon moyen pour se faire valoir par le babil et pour aquerir des richesses ; Quoy que ces gens-là voyent souvent mourir leur reputation pendant leur vie. [[2:Phidias ne pensoit qu’à étudier et donner la perfection à ses ouvrages]] Phidias au contraire passait tous les moments de la sienne à l’étude de son art et à celle de l’optique et de la geométrie, qu’il jugeoit necessaire pour parvenir à sa perfection ; il ne faisoit la cour à personne, et s’estimoit heureux de l’approbation de peu de personnes connoissantes, que son merite avoit fait ses amis : qui est, dit Tzetzes, un moyen assuré pour estre pauvre pendant sa vie, et pour devenir riche de gloire et de reputation immortelle après sa mort.

Ces deux maîtres eurent ordre en mesme temps de travailler à deux statües, que le peuple d’Athenes vouloit faire élever sur deux hautes colonnes qu’il avoit fait dresser devant le temple de Minerve. [[2:Ils font chacun une statüe de Minerve. Celle d’Alcamene admirée du peuple qui la voit de près]]. Alcamene fit la sienne avec toute la delicatesse possible, finissant par des manieres fardées et lechées jusqu’aux moindres lineamens ; ce qui plût extremement au peuple, et augmenta infiniment la reputation de ce sculpteur. [[2:Celle de Phidias faite pour estre vüe dans une grande hauteur, paroist horrible de près]] Mais Phidias qui, par la connoissance qu’il avoit de l’optique, sçavoit l’effet que sa figure devoit faire quand elle seroit élevée au lieu où on vouloit la mettre, lui fit le visage d’une monstrueuse largeur, les yeux horriblement ouverts, les narines enflées, la bouche fenduë, ne donnant que des traits forts et profonds dans le marbre aux endroits où il vouloit faire paroistre les lineamens les plus delicats, sans rien finir ni rien adoucir, et donnant enfin à sa statuë une figure à faire peur : qui luy attira premierement la moquerie, et ensuite la colere du peuple qui fut tout prest de l’accabler de pierres, s’il n’avoit eu recours aux prières et à la promesse qu’il fit de la corriger et de la mettre en état que tout le monde en seroit satisfait. Il est vray qu’il tint sa figure quelque temps cachée feignant d’y retoucher, sans vouloir qu’elle fût veüe de personne ; il ne voulut pas même souffrir apres l’avoir mise sur la colonne, que le voile dont elle estoit couverte fût osté, que celle de son competiteur ne fût en place. Après quoy découvrant son ouvrage, le peuple d’Athenes ne put, en depit de l’envie, s’empescher d’admirer la capacité de Phidias, et de luy donner les loüanges et l’approbation qu’il meritoit : voyant avec indignation et mepris la statüe d’Alcamene, qui abusant de sa facilité lui avoit auparavant imposé avec tant d’effronterie. [[2:La statüe d’Alcamene posée en place, ne paroist plus qu’une masse sans forme]] En effet dit Tzetes, l’on ne connoissoit plus rien aux traits finis et fardés de la figure d’Alcamene, qui ne paroissoit plus que comme un tronc informe et sans art ; [[2:Mais celle de Phidias y paroist dans la justesse de ses proportions]] au lieu que dans celle de Phidias, ces traits forts et profonds, et ces parties, dont les mesures veües de pres paroissoient si déréglées, formoient aux yeux des spectateurs des especes si justes, si delicates et si bien proportionnées dans leur éloignement, que l’on ne pouvoit se lasser de la regarder. D’où ce poëte prend ensuite occasion de s’étendre sur les loüanges de la geométrie et de l’optique, employant une de ses Chyliades toute entiere à faire voir, que ni la peinture, ni la sculpture, ni même l’architecture, ne sçauroient rien produire de parfait sans le secours de ces belles sciences.

[[2:Les effets de la perspective alterent les hauteurs, et les ordonnances qui sont l’une sur l’autre]] Ces exemples font voir que l’élognement peut estre pris pour une des causes qui ont accoûtumé d’alterer les mesures des parties des bâtiments, et que nous avons eu raison de contrer, comme nous avons fait cy-devant, les effets de la perspective entre les choses qui peuvent avoir causé cette admirable varieté de hauteurs que nous avons remarquées entre les colonnes, et même entre les ordonnances que l’on met les unes sur les autres.

Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)